mercredi 4 août 2010

Rôle ambigu du Comité des 24 aujourd'hui...

Le vendredi 18 juin 2010, Naku press publiait un extrait d’une intervention de Mohammed Soufiane, représentant algérien lors du dernier séminaire régional du Comité des 24 qui s'est tenu à Nouméa (Kanaky/NC). Naku press a pris la responsabilité d’intituler l’intervention « Comité des 24 de l’ONU : vers une adaptation du colonialisme… » (http://madoy-nakupress.blogspot.com/2010/06/comite-des-24-de-lonu-vers-une.html)
Sur cette lancée, Naku press publie ici une réaction du professeur de droit Guy Agniel de l’université de la Nouvelle Calédonie, concernant une question posée dans un colloque qui s’est tenu les 12 et 13 juillet 2010 (
http://madoy-nakupress.blogspot.com/2010/07/un-droit-constitutionnel-caledonien.html) en Kanaky.
Un spécialiste algérien contacté par Hamid Mokaddem va donner ses commentaires s’agissant des propos du professeur Guy Agniel.
Tout cela a été publié sur le KOL (Kanaky On Line)…


Lisons d’abord Guy Agniel…

"Pour info, la réponse que j'ai faite à un intervenant qui voulait me faire dire que le Comité des 24 avait un rôle important à jouer dans le devenir de la NC : "Je craignais cette question : elle va m'obliger à dire tout haut ce que les médias et nos partis politiques ont soigneusement tu lors de la réunion de ce Comité en NC. Ce comité des 24 (appellation impropre, puisqu'il est aujourd'hui composé de 28 membres et bientôt de 29, lorsque le Nicaragua va l'intégrer), a été créé par l'Assemblée générale de l'ONU en 1961 afin d'étudier et d'émettre des propositions sur l'application de la déclaration sur la décolonisation. Son existence se justifiait alors par la vague d'accessions à l'indépendance des anciennes colonies (l'Algérie, pour la France, en 1962 ; l'accession à l'indépendance des Samoa Occidentales, dans le Pacifique, en 1962...). Aujourd'hui, il ne subsiste plus que pour faire plaisir aux États du Tiers Monde et peut être considéré comme un "hochet" de l'ONU, hochet dispendieux qui contribue à creuser le déficit de l'ONU. On ne peut aujourd'hui lui accorder du crédit, car ses actions sont incohérentes et orientées : - Incohérentes, car elles ne concernent pas toutes les collectivités non autonomes : ainsi, en ce qui concerne le Pacifique français, seule la Nouvelle-Calédonie est visée, mais pas la Polynésie française (pauvre Oscar TEMARU : il en est réduit à bramer à la lune..) ni Wallis et Futuna. - Incohérentes également parce qu'elles visent des populations locales qui se sont clairement prononcées contre l'indépendance (TOKELAU s'est prononcée par deux référendums successifs contre l'accession à l'indépendance : pourtant il n'y a sur l'île, à part une dizaine d'Européens, que des Océaniens), ou encore des populations nullement concernées (PITCAIRN, à l'origine inhabitée, à 45 habitants, issus de l'équipage britannique de la BOUNTY et des polynésiennes qui avaient été embarquées en Polynésie après la mutinerie ; sur les 45, six sont en prison pour viols aggravés...). - Orientées, car elles ne visent que d'anciennes colonies occidentales : on notera, au sein de la délégation, la présence de l'Indonésie, qui a a annexé en 1969 l'ancienne Guinée Hollandaise, devenue depuis province indonésienne sous le nom d'Irian JAYA, aujourd'hui de Papouasie Occidentale. L'Indonésie y a organisée entre 1994 et 1998, un plan quinquennal de transmigration (la SWAKARSA) consistant à y transférer 52 000 familles indonésiennes par an, soit plus d'un million de personnes, ce qui a créé un clivage violent entre les papous mélanésiens et les nouveaux venus. On est loin des 15 000 Zoreilles venus "voler" l'indépendance et le pain des calédoniens.. . Nos Ultras du FLNKS auraient dû profiter de cette venus pour défendre la cause de leurs "cousins" Papous, non ? Rajoutons à cela que le comité ferme les yeux sur la situations des habitants des îles du détroit de Torrès (sous administration australienne) qui réclament leur indépendance depuis 1990. Mais bien entendu, je suis prêt à écouter vos arguments qui pourraient prouver que je me trompe..."

Et, maintenant, l’expert algérien…

« Cher ami,
Merci de m’associer à ce débat critique sur le rôle du Comité des 24. Le commentaire de M. Guy Agniel - que je ne connaissais pas – appelle de ma part deux observations.
Primo: son évaluation du rôle passé et présent du C-24 est plutôt correcte et précise en particulier lorsqu’il relève le caractère incohérent et orienté du comportement des Etats membres du Comité.
J’ai eu personnellement à le relever pour le dénoncer lorsque le traitement réservé par ses membres au cas du Sahara occidental contrastait dans le fond comme dans la forme avec leur attitude à l’égard des îles Malouines, tous deux logé pourtant à la même enseigne.
Cette différence s’explique par le fait que les membres de ce Comité développent une sorte de réflexe protecteur et de solidarité tiers-mondiste qui fait que le Maroc, pays du tiers-monde, est moins à blâmer que le Royaume-Uni, puissance occidentale, alors qu’ils partagent tous deux la même responsabilité .
Poussant la réflexion à l’extrême, je dirais que certains membres du C-24 tentent désespérément de préserver avec les puissances administrantes des relations cordiales empreinte d’équilibre ce qui donne lieu dans les rapports annuels du Comité à une profusion de formules alambiquées et creuses.
Ces comportements complaisants et franchement insultants en particulier à l'égard des peuples des Territoires non autonomes entachent la crédibilité de cet organe investi pourtant par l’Assemblée générale de l’Onu d’une mission historique qui demeure malheureusement à ce jour incomplète.

Faut-il pour autant l’éliminer ?
C’est là l’objet de ma deuxième observation où, contrairement à M. Agniel, je prône la revitalisation du Comité et le recentrage de ses priorités sur celles des peuples des territoires non autonomes plutôt que son ablation pure et simple sous prétexte qu’il ne remplit plus convenablement sa mission ou qu’il est, comme on l’entend trop souvent dire, le produit d’une époque désormais révolue.
De mon point de vue, le Comité ne devrait pas s’interroger comme il fait aujourd’hui de manière abstraite sur l’effectivité du principe d’autodétermination et se concentrer davantage sur les moyens de hâter l’œuvre de décolonisation encore inachevée.
Le maintien de cet organe en vie quand bien même il creuserait le déficit de l’Onu en termes de réalisations concrètes, résonnerait comme un appel aux consciences vives et comme un défi à la guerre des mémoires menée par les puissances coloniales qui ont à cœur de le voir disparaitre pour en finir une fois pour toute avec les sermons accusateurs sur les violation des droits de l’homme, le pillage des ressources naturelles, l’acculturation des peuples autochtones, …etc. dont ils sont sujets à l’occasion de l’examen du rapport du Comité le mois d’octobre de chaque année et dans divers autres forums onusiens (Conseil des droits de l’homme).
Pour sortir de cet embarras, ces puissances tentent de justifier l’injustifiable statut colonial de certains territoires en avançant des arguments fatalistes qui condamneraient ces territoires à vivre à jamais sous le joug colonial.
Leurs intérêts les poussent à dénier le droit à l’indépendance et à prétendre qu’il n’est question que du droit à l’autodétermination, comme si le droit à l’autodétermination pouvait être dissocié de l’exercice de l’indépendance en tant que l’une des trois options concevables (libre association, intégration, indépendance) .
Cela étant dit, je ne crois pas faire preuve d’optimisme naïf en disant qu’il est encore possible de remettre sur rail le train de la décolonisation. Tout est question de volonté politique et de rapports de force.
S’agissant de votre question sur les conditions d’admission d’un Etat à l’Onu, je vous renvoie à l’article 4 de la Charte des nations unies qui dispose :
-Peuvent devenir Membres des Nations Unies tous autres États (Commentaire: autres que ceux ayant participé à la Conférence des Nations unies pour l’Organisation internationale à San Francisco ou ayant antérieurement signé la Déclaration des Nations Unies, en date du 1er janvier 1942) pacifiques qui acceptent les obligations de la présente Charte et, au jugement de l'Organisation, sont capables de les remplir et disposés à le faire.
L'admission comme Membres des Nations Unies de tout État remplissant ces conditions se fait par décision de l'Assemblée générale sur recommandation du Conseil de sécurité.

Salutations cordiales. »