vendredi 20 août 2010

Vote abstentionniste du Groupe FLNKS au Budget Supplémentaire 2010 de la NCalédonie...

Explication de vote du Budget supplémentaire 2010, vendredi 20 août 2010 par le chef du groupe FLNKS au Congrès, Mr Roch WAMYTAN.

Mr le président, chers collègues

Le contexte dans lequel ce budget supplémentaire a été élaboré est incertain et demande une gestion rigoureuse, c’est ce que le Ministre en charge des finances a indiqué. L’exercice budgétaire enregistre un déficit global de 2,6 milliards de francs, le budget propre de la NC accuse quant à lui, un déficit de 5,8 milliards de Frcs. Le pays continue de vivre comme la France d’ailleurs, au dessus de ses moyens.

Le groupe ne conteste pas les orientations proposées par le gouvernement dans le sens où il entend maîtriser les dépenses de fonctionnement et mettre l’accent sur les investissements et les interventions

Nous notons cependant les 810 millions de Frs pour le solde des infrastructures liées à l’organisation des prochains jeux du pacifique en 2011. Au-delà du coût important et nécessaire de cette opération, le groupe FLNKS s’inquiète de l’accélération du déséquilibre du pays que pourrait induire ce lourd investissement et s’interroge en outre sur la charge supplémentaire que fera peser demain le fonctionnement des nouvelles installations sur les finances des collectivités.

Concernant l’aquaculture, la filière crevette continue d’être soutenue, sans pour autant que la situation s’améliore. On se demande d’ailleurs à quoi servent les millions accordés aux organismes de recherche tels que l’IFREMER, focalisés sur la recherche fondamentale alors que le secteur est quasi sinistré !

Or, cette filière est un élément clé du rééquilibrage Nord/Sud, et la province Nord a investi des sommes énormes dans ce secteur considéré comme la deuxième source d’exportation après le nickel puisque 1500 tonnes sur 2000 produites sont exportées. Le groupe FLNKS se demande légitimement pourquoi les résultats attendus des mesures mises en œuvre tardent à venir, et comment redonner à cette filière des perspectives plus sereines et porteuses d’avenir.

S’agissant du secteur touristique, malgré les sommes pharaoniques, dépassant le milliard de frcs, consacrées à la promotion dans ce secteur, il faut bien avouer que le pays est en situation d’échec dans un domaine pourvoyeur d’emploi direct et indirect. La NC reste toujours une destination inconnue ou mal connue et donc peu programmée par les tours opérators français ou australiens. Notre absence d’image touristique crédible est constante sur le marché international. Vu de l’extérieur, notre pays semble ne pas s’intéresser à son immense potentiel touristique, trop occupé peut être à l’exploitation du nickel ou à autre chose !

Et pourtant, selon les prévisions de l’Organisation Mondiale du tourisme, la fréquentation touristique de la zone Océanie Pacifique va doubler en 10 ans soit une croissance moyenne de 7%, de même le marché de la croisière dans la zone devait croître de façon significative dans les années à venir. Tous les pays de la région Asie pacifique ont cette information et s’organisent en conséquence afin de capter chez eux une part de ce marché à venir.

Et nous que faisons nous ? Cette information capitale ne nous intéresse-t-elle pas ? Ou peut être, continuons-nous à fermer les yeux et à penser que nous sommes européens et que nous sommes en Europe alors que nous sommes en Océanie. Fidji, Vanuatu et d’autres pays s’organisent à partir de leurs propres potentialités, notre pays dispose de potentialités peut-être supérieures ou complémentaires et que faisons-nous ? Malgré le milliard de promotion, la NC vient de plonger sous la barre fatidique des 100.000 touristes. En comparaison, et avec un budget promotion 5 fois moindre, un pays frère voisin, le Vanuatu passe cette année allégrement cette barre. Et pourtant qu’avons-nous pas entendu de ce pays voisin tant décrié par certains pour sa supposée pauvreté après l’indépendance, ce fut d’ailleurs l’argument du genre fond de commerce pour effrayer ceux qui militaient pour l’émancipation de la Nouvelle Calédonie..

On ne peut pas évoquer le tourisme sans parler du transport aérien local et international avec les déficits chroniques de nos deux compagnies Aircal et Aircalin. Malgré de nombreux audits sur Aircal notamment celui d’Air France consulting avec la mise en œuvre de plan de redressement, la situation ne s’améliore pas ou très peu. Quant à ACI, Le déficit signalé est de 1,6 milliard de frcs, même si la situation semble s’être améliorée récemment et que la compagnie a tenu le coup face à la crise du transport aérien, grâce non pas au tourisme mais aux déplacements de la clientèle calédonienne, ce qui semble quelque peu paradoxal eu égard à la stratégie d’ouverture des lignes de cette compagnie. ACI a vraiment besoin de réaliser une politique salariale cohérente et à pratiquer une politique de formation et de recrutement local plus volontariste notamment pour le personnel naviguant et le personnel de maintenance.

25 ans après sa création, par le gouvernement TJIBAOU, il n’est pas normal de constater le faible taux de personnel calédonien en matière de technicien ou de pilote. Lorsqu’on compare ACI avec les compagnies de la région, sur la même période (25 ans), on constate quoi ? Que prés des ¾ de pilotes des compagnies Air pacifique, Air Niuguini, Air Vanuatu sont des locaux et donc mélanésiens, à tel point que Air Niuguini par exemple exporte ses pilotes vers d’autres compagnies notamment Emirates airways. Les pilotes d’origine mélanésienne sont réputés pour être dotés d’un grand sang froid face aux difficultés rencontrées en cours de vol, c’est une étude récente qui l’a démontré. Alors sommes-nous moins intelligents que nos frères océaniens ? Ou alors a t-on affaire à une chasse gardée ou un domaine réservé dans une société calédonienne ? Il serait intéressant que le gouvernement nous fasse un point sur les problématiques de cette compagnie et qu’un plan de formation digne de ce nom soit mis en œuvre.

S’agissant enfin d’ENERCAL, il nous est demandé d’accorder une avance de trésorerie d’un milliard de frcs suite au choix d’investissement de l’entreprise. Cela fait suite à une avance de la même somme deux années de suite. Le constat fait est qu’au moment où il fallait investir dans l’électrification du grand nord, cette société a préféré investir dans l’usine à charbon de Prony Energy.
Rien que pour le transport et l’enfouissement des cendres, cela lui coûte 1,4 milliard de frcs. On ne discute pas du bien fondé de ce projet, notre interrogation porte sur cette demande d’avance. N’oublions pas que le choix de la centrale à charbon a un coût – environnement important puisque ce projet participe à faire de la NC le pays le plus pollueur en terme d’émission de gaz à effet de serre par habitant dans le pacifique. Or, nous ne sommes pas pour des raisons statutaires, partie prenante au protocole de Kyoto. Il avait été précisé pourtant à l’époque du choix que ce coût environnement avait pour contrepartie un allégement du coût de l’énergie supporté par la collectivité et les ménages, or ce n’est pas le cas. Il serait peut être temps de revoir à la hausse le prix de cession de l’électricité produite par cette société à Yaté et revendu à la SLN pour ses besoins de production.

Au-delà de ces constats il est évident pour le groupe que la situation financière de la NC suppose un effort de bonne gouvernance, alliée à une prudence, une rigueur et une pertinence dans le choix des investissements. Si on n’est pas capable de cette bonne gouvernance, il serait bon de se tourner vers les organisations internationales qui délivrent des conseils et des formations dans ce domaine aux gouvernements du Pacifique, le dernier stage a eu lieu à Port Vila récemment.

Lorsqu’on est aux commandes du pays, la tentation est grande de faire des choix populistes pour satisfaire nos électorats respectifs. Mais il est nécessaire de ne pas perdre le fil d’Ariane qui est le notre : l’émancipation du pays et de sa population. Cela nous oblige à un impératif ; c’est la responsabilité de nos actes afin d’atteindre une autonomie dans le financement de nos besoins. La France, malgré son rang de 5ième puissance économique mondiale, ne pourra pas éternellement assurer nos financements, et la NC ne doit pas être assimilée à une danseuse de la république.

En période d’austérité il faut savoir se serrer la ceinture et faire preuve de solidarité. En période d’embellie, prévoir la mise en place de fonds souverain afin d’assurer l’avenir à partir de l’exploitation de nos ressources : le nickel, le cobalt, demain le pétrole et le gaz, mais aussi les ressource marines et notre savoir faire. Ce fonds souverain pourrait demain asseoir notre position dans la région Asie pacifique et pourquoi pas, pouvoir prêter à la France, ce serait un juste retour des choses, un retournement inattendu de l’histoire.

En attendant, notre groupe, dans la ligne de sa position sur le budget primitif 2010, s’abstiendra sur ce budget supplémentaire.

Je vous remercie"