samedi 11 septembre 2010

Dévaluation du F CFP, un débat relancé et tout de suite minimisé par la droite coloniale...

La question de la dévaluation du F CFP circule depuis un certain temps sur l'internet calédonien, notammenyt sur un blogg local. Dans sa conférence de presse avant son départ pour Paris, le député et président de la Province Sud, Pierre Frogier a réagi sur cette question.
Dans son livre paru en mars 2006, Mathias Chauchat, professeur à l'Université de la Nouvelle Calédonie, aborde la question de l’Euro. Voici un extrait…



L’Etat pourrait aussi accompagner la fin des sur-rémunérations et la construction de la base économique locale par une vraie discussion sur l’euro, comme outil d’un développement « soutenable ».

L’euro peut-il devenir la monnaie de la Nouvelle-Calédonie et pourquoi faire ?

La question est posée dès à présent, alors même que l’Accord de Nouméa semble renvoyer la question monétaire à la « sortie » à compter de 2014 de l’Accord de Nouméa, puisqu’il s’agit d’une des compétences régaliennes sur laquelle porterait la question sur l’accession à la pleine souveraineté des articles 77 de la Constitution et 216 de la loi organique.
Il s’agit, au surplus, certainement d’un signe identitaire pour lequel la loi organique requiert une majorité au congrès des 3/5ème de ses membres.

Le F CFP, un avantage issu de l’histoire
[1]
Le Franc CFP, créé par le décret n° 45-1036 du 25 décembre 1945 a une parité fixe, mais ajustable, avec le franc français depuis 1949. Figé à 1 FCFP pour 5,50 FF en 1949, la création du « nouveau franc » en 1958 a simplement modifié l’expression de cette parité : 100 F CFP valant 5,50 FF. Cette parité est restée la même jusqu’au 1er janvier 1999, date à laquelle l’euro s’est substitué au franc français. La valeur du franc français étant fixée sur la base de 1 € = 6,55957 FF, la nouvelle parité du franc CFP (XPF) est donc désormais de 1.000 FCFP pour 8,38 €.

Sa convertibilité demeure garantie par le Trésor français et il a cours dans les trois collectivités françaises du Pacifique. Cette parité a été fixée par le Gouvernement français en application du «Protocole sur la France », annexé au Traité de Maastricht qui stipule que « la France conservera le privilège d’émettre des monnaies dans ses territoires d’Outre-mer selon des modalités établies par sa législation nationale et elle sera seule habilitée à déterminer la parité du franc CFP ».

La Nouvelle-Calédonie bénéficie donc déjà des avantages liés à l’ancrage dans une monnaie stable et internationalement reconnue. C’est en fait la garantie apportée par le Trésor français à la totale convertibilité du franc CFP qui assure, on l’a noté, l’équilibre de la balance des paiements à travers le poste des flux financiers publics.

L’économie est ainsi protégée des grandes contraintes d’équilibre et il n’est pas sûr que l’adoption de l’euro ajoute des avantages réels dont la Calédonie ne dispose pas déjà. Le statu quo représenterait certainement une solution monétaire crédible, chaque collectivité pouvant suivre une voie propre liée à ses relations particulières avec la Métropole. Cela permettrait pour la Nouvelle-Calédonie d’attendre les échéances de 2014 à 2018.


L’hypothèse d’une introduction de l’Euro
Risquons l’hypothèse que c’est cette incertitude, pourtant à ce jour encore limitée, qui explique la volonté de relancer le débat actuel. Les promoteurs qui ont profité des programmes en défiscalisation, ou ceux qui les ont racheté à l’issue, aimeraient bien une garantie de leurs investissements et la tentation est grande de profiter du contexte politique pour anticiper, l’air de rien, les choix fondamentaux de la Nouvelle-Calédonie.

On enverrait aux investisseurs et, on l’a déjà souligné par l’usage du même mot, aux « immigrants » un message clair de rapprochement entre la Nouvelle-Calédonie et la Métropole. Pour un Métropolitain, peu concerné par les enjeux politiques ou institutionnels, seul le FCFP distingue la presque île de Nouméa de l’île de La Réunion.

On utiliserait ainsi la compétence de l’Etat pour étendre, avec la seule consultation du congrès à la majorité simple, les textes nationaux et européens nécessaires et on pourrait même proposer ou accepter, sur le fondement de l’article 28 de la loi organique, de confier au président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie les pouvoirs de négocier et signer l’accord à intervenir avec l’Union européenne suivant l’article 111 § 3 CE.

La dévaluation, moteur du développement sain…
Jean Freyss avait déjà abordé avec franchise la question du taux de change du Franc CFP : « La stabilité monétaire qu’apporte la zone Franc est indiscutablement un atout pour tous les pays concernés. La stabilité est une chose, le niveau de la parité de change en est une autre. Une dévaluation du Franc CFP, évoquée à plusieurs reprises, et toujours rejetée, rétablirait une parité plus juste et créerait les conditions d’un minimum de compétitivité. Mais une telle mesure n’est pas une fin en soi. Si elle n’est pas appuyée sur une politique stricte des prix et des revenus, sur une réforme de la fiscalité et de l’épargne, elle ne peut en effet que conduire au cercle vicieux des dévaluations successives, donnant ainsi raison au refus du Trésor. Une dévaluation ne serait qu’un des instruments d’une réforme d’ensemble ».

La question de la surévaluation du Franc CFP est aujourd’hui débattue. A l’aune de l’étalon Mac Donald’s, le CFP est surévalué de l’ordre de 30 % en 2003 par rapport à l’euro et de 37 % par rapport au dollar US.
La lecture de la balance des paiements incite également à conclure à la forte surévaluation du Franc CFP.

C’est plus discutable s’agissant des bas salaires du secteur privé. La question de la valeur de la monnaie est jugée secondaire par les études les plus récentes qui montrent une insensibilité apparente de l’économie calédonienne aux fluctuations de l’euro et du dollar US. Mais cette insensibilité ne vaut justement que parce qu’il existe un fort secteur économique abrité par une « fiscalité de porte » de la concurrence internationale et par la croissance continue des transferts métropolitains.

Si l’on veut rendre le tourisme compétitif, si l’on veut favoriser durablement la base industrielle minière de la Nouvelle-calédonie, la valeur de la monnaie, liée à d’autres réformes intérieures, se posera nécessairement.
De même existe t-il un lien technique, et non plus économique, incontournable entre dévaluation et désindexation. Les fonctionnaires étant rémunérés en euros, convertis ensuite en monnaie locale, une dévaluation les enrichirait en termes relatifs. Il conviendrait donc qu’une baisse éventuelle du taux de change soit compensée par une baisse équivalente de l’indexation des traitements.
De même faudrait-il veiller à ce que les banques supportent en tout ou partie le risque de change dont elles se sont en général garanties par des clauses insérées dans les contrats de prêts aux particuliers.

Ainsi, le maintien d’un taux de change surévalué aboutit-il à un renforcement de la contrainte extérieure qui ne peut être viable que si les opérations courantes sont équilibrées. Et elles ne le sont que par les transferts publics métropolitains ; cela ne serait évidemment pas le cas dans une économie indépendante ou même dans une hypothèse de baisse des transferts métropolitains. Ce choix suppose que la France abonde indéfiniment les transferts financiers. Il doit être parfaitement clair qu’on préjuge alors du choix d’une économie plus émancipée.

Finalement, l’adoption de l’euro aujourd’hui, si elle n’ajoute pas d’avantages économiques décisifs à ceux dont dispose déjà la Nouvelle-Calédonie, la prive de la possibilité d’envisager une politique économique alternative, comprenant une réflexion sur le niveau de change.

Le débat politique est alors doublement faussé : il vise d’une part à anticiper un choix de souveraineté et d’autre part, pour éviter les anticipations auto réalisatrices des acteurs économiques, c’est-à-dire plus prosaïquement la fuite des capitaux, à ne jamais ouvrir le débat sur une possible dévaluation.

Cette absence de débat public sur le change empêche un débat économique crédible sur l’émancipation économique de la Nouvelle-Calédonie et met, particulièrement les partis indépendantistes, dans une position intenable. La sagesse consisterait à revenir à la logique et au tempo de l’Accord de Nouméa.


[1] Les sous-titres ont été ajoutés ; Ils ne sont pas de l’auteur…