jeudi 23 décembre 2010

Explication du vote abstentionniste sur le budget primitif 2011 de la Nouvelle Calédonie

C'est au nom du groupe et en tant que chef de groupe que Roch WAMYTAN est intervenu le mardi 21 décembre 2011 au Congrès de la Nouvelle Calédonie pour donner les raisons du vote abstentionniste.


Le contexte dans lequel ce budget primitif a été élaboré est bien meilleur que celui qui a prévalu aux budget primitif et budget supplémentaire 2010, en augmentation de 6% comparé au Budget Primitif 2010. L’état de nos finances retrouve ainsi des couleurs après par la crise financière de ces 2 dernières années et face à laquelle le pays a plutôt bien résisté. La remontée du cours du nickel y est pour une bonne part dans cette embellie.

Gageons que cette remontée du nickel se maintienne dans les prochaines années, notre économie étant très dépendante de ce secteur. Comme nous l’avons rappelé dans le DOB (débat d'orientation budgétaire), la Nouvelle Calédonie doit poursuivre la diversification de son économie afin de s’affranchir progressivement de sa trop forte dépendance de sa mono production du nickel qui représente 90% de nos exportations. Nous avons d’ailleurs rappelé à cette occasion qu’en cas de forte rentrées des recettes nickel, il était important de se constituer des réserves que nous appelons fonds souverain, fond pour les générations futures ou fonds stratégique de redéploiement économique afin d’assurer l’avenir du pays au lieu à chaque fois d’entretenir un système de prédation sur les revenus nickel, c’est à dire l’exploitation abusive des ressources du pays pour servir des intérêts de classe ou de parti à l’instar des républiques bananières.

S’agissant des recettes nickel nous avons été choqué par ce que nous nous avons entendu à propos de la discussion en commission des finances sur l’examen de la DM2 (Décision Modificative) concernant l’affectation des recettes fiscales exceptionnelles de 5, 5 milliards relative au redressement fiscal de la SLN. Certaines analyses ont suscité beaucoup d’interrogation de notre part. Il a été dit que la SLN aurait sous-évalué délibérément la valeur de ses exportations pour ne pas payer la totalité de l’IS 35 (Impôt sur les sociétés minières et métallurgiques). Notre groupe demande d’ailleurs que toute la lumière soit faite sur cette affaire afin que la SLN lève nos doutes concernant d’éventuelles malversations de sa part. Le chiffre de 100 milliards de fraudes fiscales a été avancé.

Une question nous vient alors à l’esprit, comment cette société à participation calédonienne a pu soustraire une part importante de son chiffre d’affaire de l’IS 35, sans éveiller les soupçons des syndicats siégeant dans les Conseils d'Administratifs de la SLN et d’ERAMET ou des membres du Conseil d'Administratif de la STCPI, car pour l’heure, force est de constater, qu’ils sont bien restés bien silencieux. Nous saisissons ainsi l’occasion de rappeler ici l l’esprit des statuts de la STCPI :

1/ Distribuer aux provinces les revenus d’Eramet/SLN,

2/ Participer aux décisions stratégiques concernant la SLN,

3/ Veiller au bon emploi des richesses minières calédoniennes. Pour sa part, le gouvernement doit rester très vigilant, notamment sur les exonérations et défiscalisations diverses accordées à ces types de société qui contribuent parfois à creuser les inégalités. Comme l’a rappelé J.Attali : «les niches fiscales bénéficient pour beaucoup d’entre elles, aux revenus les plus élevés qui y trouvent ainsi un moyen d’échapper à la fiscalité générale»

Sur le BP 2011 que nous venons d’examiner, le gouvernement annonce la perspective d’un regroupement de cliniques privées à Nouville et un projet à Païta en prévision portant 6,3 milliards de FCFP les dépenses de fonctionnement. Le Directeur de l’Ecole Nationale supérieure de sécurité sociale venu expertiser l’état des lieux du RUAMM et de ses perspectives, lors de son audition, a attiré l’attention des élus sur la capacité du pays à financer l’intégralité de ces projets tant en investissement qu’en fonctionnement.

En dehors du médipôle de Koutio pour lequel il ya eu unanimité, est-ce que les projets d’hôpitaux privés répondent réellement aux besoins du pays ? Il est difficile de savoir s’il n’ya pas de schéma directeur cohérent et complet ?

S’agissant des LCK (Langues et Cultures kanak), notre groupe s’inquiète des graves lacunes et du retard pris dans l’Accord de Nouméa qui précise en son article 1.3.3 de l’Accord de Nouméa : «Les langues kanak sont, avec le français, des langues d'enseignement et de culture en Nouvelle-Calédonie. Leur place dans l'enseignement et les médias doit donc être accrue et faire l'objet d'une réflexion approfondie.»

Malgré les conclusions des études scientifiques qui démontrent la nécessité d’un enseignement bilingue, voire plurilingue pour favoriser la réussite des enfants dont la langue maternelle n’est pas le français, il semblerait que l’enseignement des langues kanak soit en régression.

Le groupe FLNKS demande un geste symbolique fort pour la prise en compte de nos langues et de la culture kanak, reflétant l’Accord de Nouméa dans son esprit et dans sa lettre.

Le groupe FLNKS n’est pas opposé loin s’en faut à l’enseignement de l’anglais, mais nous ne pensons pas utile d’engager cet enseignement dès les petites classes : un apprentissage de l’anglais en cycle 3 nous semble suffisant pour ouvrir les enfants sur l’univers anglophone du Pacifique et du monde.

Par contre, l’enseignement des langues kanak correspond à une ouverture et un enrichissement pour les enfants d’autres ethnies et pour les enfants kanak eux mêmes, il correspond à l’acquisition des fondamentaux devant s’appuyer sur leur culture. Le fait de maîtriser totalement ou en parti une ou plusieurs langues correspond à la situation anti- coloniale où les populations océaniennes étaient par nécessité polyglottes. Par ailleurs cela permet une plus grande tolérance mutuelle car on se connaît mieux.

Dans la ligne du sondage Louis Harris de 2006 et dans l’esprit du rapport Gauchon (23/07/2010) même s’il est un peu contesté par la ministre, il convient d’être plus volontariste afin de décliner concrètement une des dispositions clé de l’Accord de Nouméa.

Car on constate malheureusement qu’une politique paralysante empêche que ce dossier progresse : une seule conseillère pédagogique kanak travaille au siège de la Direction de l’Enseignement, or aucune visite n’a pu être effectuée dans les écoles de la province Nord, une seule visite sur 23 en province des Iles,

enfin en Province Sud, seulement 4 écoles sur 14 ont été visitées. Aucun accompagnement des formations continues mises en place n’a pu être réalisé.

Face à ces problèmes, le groupe soutient la proposition d’une commission spéciale dont a aussi parlé la ministre.

Liée à ces problématiques il nous faut aussi évoquer la délinquance et aux formes de violences qui l’accompagnent. Leur recrudescence nous interpelle. Il ne s’agit pas ici de stigmatiser les jeunes comme le font sciemment les médias, ni de couvrir leur méfait, il s’agit de comprendre pourquoi cette délinquance touche plus particulièrement les jeunes Kanak.
La transmission des valeurs de la société Kanak n’est plus assurée comme autrefois, les rites balisant le passage de la fin de l’enfance à celui de l’âge adulte ne se font plus. L’école n’apporte pas non plus de réponse à ce mal-être, elle y contribue fortement. Le taux d’échec scolaire pour la population Kanak se situe entre 20 et 25 %, le taux de ceux qui sortent du système scolaire est de 20 %. L’inactivité et le chômage sont nettement plus fréquents chez les Kanak d’où 38 %. 85 % des détenus sont Kanak (source Inserm).

Dans cet esprit, Le groupe FLNKS souhaiterait que le gouvernement réfléchisse sur la faisabilité d’un Service Civil Citoyen, visant à l’encadrement des jeunes dans un dispositif bien structuré. Il s’agirait pour les jeunes âgés de 16 à 25 ans d’acquérir une formation civique, et professionnelle. Certes, le gouvernement vient d’attribuer une subvention de plus de 360 millions au GSMA mais il faut aller plus loin.

L’instauration du Service Civil Citoyen en le rendant obligatoire, pourrait contribuer à freiner la délinquance.

Je voulais conclure mes propos sur deux points particuliers. Tout d’abord sur une question récurrente, l’éventuelle modification de la clé de répartition. Je rappelle ici ce que le groupe a exprimé en conclusion de la DOB : « Le fait d’évoquer une éventuelle modification de la clé de répartition touche au sacro saint principe du rééquilibrage auquel le FLNKS reste profondément attaché. Il convient de ne pas oublier en effet que face à la revendication d’indépendance exprimée par Jean Marie TJIBAOU en 1988, le premier ministre Michel ROCARD lui avait proposé le principe du rééquilibrage et partant, son corollaire, le partage du pouvoir institutionnel, politique et économique. C’est la raison pour laquelle notre attachement à ce principe de rééquilibrage a quelque chose de viscéral car il nous ramène à la source des accords politiques dont ce principe constitue la matrice originelle. Le rééquilibrage ne peut se comprendre que dans une vision d’émancipation de l’ensemble du pays.

S’il faut discuter de cette problématique, cela ne peut se faire qu’au plus haut niveau politique et notamment dans le cadre du comité du Bilan des accords décidé par le dernier Comité des Signataires.

La deuxième question est la réforme de la fiscalité abordée dans le cadre du DOB et repris par Mr Sylvain PABOUTY dans la discussion générale.
« Le FLNKS a toujours exprimé depuis la signature des accords de Matignon en 1988, sa volonté d’engager une véritable refonte de la fiscalité de la Nouvelle Calédonie. Notre fiscalité correspond encore en partie à un pays d’économie de comptoir, vivant encore des transferts aussi bien financiers qu’en matière de biens et services en provenance de la France métropolitaine. Cette fiscalité à dominante indirecte a tendance à favoriser les catégories de personnes à haut revenu. Les tenants du pouvoir justifiaient cet état de fait par le maintien d’une croissance soutenue à partir d’une faible taxation de cette catégorie sociale. La ressource fiscale existait alors mais la volonté politique manquait pour une véritable modernisation de notre fiscalité.

Des propositions de refonte du système fiscal existent, le groupe a évoqué un certain nombre de ses propositions dans le débat d’orientation budgétaire, il s’agit désormais de faire preuve de volontarisme pour examiner ces propositions. Ce sera aussi l’occasion de voir comment restructurer notre économie, assainir nos finances publiques, prendre en charge les dépenses de transferts et sociales et veiller à une meilleure répartition de la richesse produite localement. Encore une fois, le groupe constate que ce projet de refonte est de nouveau reporté à l’an prochain, Pâques l’an prochain à Jérusalem, comme dit certaine religion.

Monsieur le Président,
le groupe FLNKS se reconnaît dans l’ensemble des propositions de ce projet de budget 2011, il ne s’opposera donc pas à ce projet.
Cependant des interrogations subsistent quant à l’attitude de la SLN concernant d’éventuelles fraudes fiscales. Eu égard aux dispositions de l’accord de juillet 2000 actant l’entrée de la Nouvelle Calédonie dans le capital de la SLN/ERAMET que j’ai moi même signé pour le FLNKS, il vous est demandé que toute la lumière soit faîte sur cette affaire.
Par ailleurs la modernisation de notre système fiscale est encore reportée à l’an prochain. Enfin nous restons dans l’attente des résultats du Grand Débat sur l’école qui devrait fixer la place des LCK dans le dispositif de l’enseignement calédonien. Ces deux points ajoutés à d’autres comme le retard pris au dépôt de l’avant projet de la loi du pays sur l’emploi local dans la fonction publique, constituent à nos yeux des lacunes dans la mise en œuvre de l’Accord de Nouméa et au processus d’émancipation.


C’est pourquoi le groupe FLNKS s’abstiendra sur ce projet de budget pour l’exercice 2011. Demande plus de respect aux élus en référence aux projets déposés en séance.

Avant de terminer je voudrais remercier le Gouvernement, l’administration du congrès et les directions administratives avant de vous souhaiter a tous un joyeux noël et une bonne année 2011.

Je vous remercie