vendredi 25 mars 2011

Le chef du groupe FLNKS au Congrès fait une déclaration envers P. Gomes et son groupe Calédonie Ensemble....

Madoÿ publie la déclaration du chef du groupe FLNKS au Congrès de la Nouvelle Calédonie, en séance du vendredi 24 février 2011. Cette déclaration porte sur les tentatives de destabilisation des institutions par Gomes, ex-président du gouvernement, et son parti, Calédonie Ensemble...

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Monsieur le Président, chers collègues,

Après la deuxième démission du gouvernement, le congrès est de nouveau appelé aujourd’hui à fixer le nombre de ministres au futur gouvernement du pays. Notre groupe votera le projet de délibération, estimant que le chiffre maximum de 11 ministres prévu par la loi organique de 1999, est nécessaire pour un fonctionnement normal de cette institution. Au vu des déclarations de certains responsables politiques, ces derniers temps, permettez moi cependant de procéder à quelques rappels historiques qu’il est bon de se remémorer afin de ne pas sombrer dans une amnésie qui serait néfaste pour l’avenir de ce pays dont les populations dans leur large majorité souhaitent que de vivre en paix et en harmonie, loin des spectres d’un passé pas si lointain qui a vu notre île de lumière passait au bord de la guerre civile.

Excusez moi par avance si ce que je vais dire pourrait choquer certains d’entre vous.

Lors de la création du FLNKS, le 24 septembre 1984 à l'Océanique à Ducos, Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné ont essentiellement présenté deux choses à l'assemblée présente à ce congrès constitutif :"Kanaky" pour le nom du Pays, «le drapeau" formé de 3 bandes horizontales qui sont de bas en haut : vert, rouge, bleu. Frappé en son centre d’un disque jaune marqué d’une flèche faîtière noire comme emblème du Pays revendiqué.

Ces deux éléments furent adoptés à l’unanimité par les militants présents car ils représentaient pour le peuple kanak en lutte des symboles forts permettant de fédérer les énergies afin de s'extraire du carcan colonial pour installer définitivement dans leur vision et leur concept le pays Kanak libre.

Avec ce drapeau hissé officiellement par Jean-Marie Tjibaou le 1er décembre 1984 à la Conception, à la suite du boycott actif des élections du 18 novembre 1984, l’étendard du FLNKS scella définitivement le ralliement du peuple colonisé et de ceux qui souhaitaient partager son destin au combat pour une Nouvelle Calédonie libre et indépendante.

C’est recouvert du drapeau du FLNKS que furent enterrés les militants de Tiendanite, ceux d’Ouvéa et l’ensemble des morts de 1984 à 1988. C’est au nom de ce drapeau que les responsables du FLNKS engagèrent le peuple kanak dans le statut Fabius Pisani. C’est encore recouverts de ce drapeau que les 19 militants d’Ouvéa furent ensevelis à Whadrilla en mai 1988. Et toujours au nom de ce drapeau, Jean Marie Tjibaou signa les accords de Matignon et d’Oudinot en juin 1988. Ce drapeau lui servit de linceul ainsi qu’à son compagnon Yeiwené Yeiwené après leur assassinat par Djoubély Wea qui mourut aussi pour ce drapeau qui les associa tous les trois dans la mort pour l’indépendance de leur pays. C’est enfin sous la houlette de ce drapeau que les négociateurs FLNKS de l’accord de Nouméa, vont signer le dispositif de l’accord de Nouméa le 21 avril puis le 5 mai 1998 en présence des plus hautes autorités de l’Etat français et des personnalités des pays de la région Pacifique.

Ce petit rappel pour inviter chacun d’entre nous à évaluer le poids, la dimension symbolique et la charge émotionnelle qu'occupe le drapeau Kanak dans la conscience politique du FLNKS et d’une large majorité du peuple kanak. Vous comprendrez qu’il ne s’agit pas d’un vulgaire bout de chiffon mais le signifiant d’une nation en émergence, en marche vers son destin. Le drapeau Kanak offert définitivement au Pays le 17 juillet 2010 est l'un des éléments fondamentaux de l'identité du Peuple Kanak dont il conjugue l’authenticité au travers de la communauté de destin.

Ce rappel permet de se dire les choses afin de mieux se comprendre dans le cadre de l’objectif poursuivi, celui de forger au mieux la communauté de destin souhaité par l’Accord de Nouméa. Le peuple kanak dispose de cet énorme avantage de connaître « l’homme blanc » plus que ce dernier le connaît. En lui imposant sa culture, sa langue et l’ensemble du système social et institutionnel qui va avec, la France a fourni à ce peuple, les clés de compréhension de « l’AGIR » de « l’homme blanc ». Il n’en est pas de même pour ce dernier qui, malgré l’apport d’outil intellectuel fourni par des armées d’ethnologues et d’anthropologues de tout genre, a du mal « in fine » à saisir comment fonctionne l’homme kanak. D’où l’effort incessant que nous avons à faire pour expliquer à longueur d’années qui nous sommes finalement ! Faire comprendre combien l’homme kanak agit en être de « symbole » en permanence et combien la non compréhension de cet aspect anthropologique fondamental peut être source d’erreur et de malentendus graves de conséquence comme cela s’est passé à propos de l’attitude de Calédonie Ensemble à la mairie de la Foa le 12 janvier 2011.
Ce rappel est aussi pour exprimer deux choses. Le FLNKS demande à chacun de respecter notre drapeau qui est devenu l’emblème du pays au coté du drapeau français depuis l’an dernier. A l’instar des drapeaux des nations du monde, notre drapeau est digne de respect et comme le rappelait souvent l’ancien premier ministre du Vanuatu, feu le père Walter LINI, « respect Is honourable ». Il s’agit d’une philosophie de vie car sans respect, la vie devient impossible, sans respect c’est le règne de la violence qui s’instaure.

La deuxième chose exprimée par ce rappel est le respect de l’accord de Nouméa. Pour le FLNKS, ce dispositif trouve son fondement dans la revendication kanak qui constitue la matrice originelle des différents accords de Nainvilles les roches en 1983 au statut Fabius Pisani de 1985, aux accords de Matignon Oudinot de 1988 et à celui de Nouméa en 1998. Sans revendication kanak, il n’y a pas d’accord de Nouméa, dernier compromis avec l’Etat Français dans la lignée des petits et grands accords passés entre le peuple kanak depuis le 24 septembre 1853, date de prise de possession de notre pays par la France. Et comme je le rappelais, cet accord a été en ce qui nous concerne, scellé dans le sang versé, non seulement celui de nos responsables et militants, mais j’associe aussi celui des militants de la France morts entre 1984 et 1988. Cet accord a été en outre attaché coutumièrement au Peuple Kanak.

Au nom du groupe FLNKS, j’en appelle donc au respect de l’accord de Nouméa. L’Accord de Nouméa n’est pas un jouet dont on peut disposer à sa guise au gré de ses états d’âme. L’Accord de Nouméa ne peut être un instrument de violence fusse-t-elle institutionnelle car il a été conçu pour donner vie et structurer l’âme de notre pays. Si on l’utilise pour régler ses comptes politiques, il peut être synonyme de mort. Car les germes d’une auto destruction existent bel et bien au sein de ce dispositif, le législateur national en 1999 l’a ainsi voulu. Il n’en tient qu’aux élus que nous sommes de manier cela avec précaution dans l’intérêt de nos populations. Par un petit jeu de démission en démission et en démission répétée à l’infini, le mécanisme peut se bloquer puis exploser et qui sera gagnant à ce jeu de massacre, certainement pas le pays.

Nos deux autres partenaires de l'Accord (le RUMP et l'Etat) l'ont parfaitement bien compris. En parlant de la reconnaissance des deux légitimités, ils acceptent enfin que nos deux histoires se croisent et s’entrecroisent pour cheminer ensemble vers l'avenir. Le vœu voté au Congrès consiste à sceller sans heurt cette posture. Dans la foulée, la levée du drapeau au Haut-commissariat par le 1er Ministre François Fillon rend solennel cet engagement. Et cette évolution voulue et partagée par les trois signataires historiques, vise à préparer sereinement les discussions sur l'avenir.

Malheureusement, avec tout le respect du au président du gouvernement sortant, Mr Philippe Gomes s'est mis en marge de l’état d’esprit qui s’impose dans ce contexte. Il fait de la levée drapeau du FLNKS au coté du drapeau français, un casus belli permanent tout en rejetant les coutumiers aux frontières de leurs tribus, et en alimentant dangereusement certaines thèses du Front National. Il se permet de s’opposer à des décisions du comité des signataires avalisées qui plus est par le président de la république, Nicolas SARKOZY lui-même, c'est-à-dire la plus haute instance de cette nation, la France, à laquelle il ne cesse de revendiquer son appartenance.

Suite à l’initiative de l’Union Calédonienne, Mr Gomes hurle aux loups, criant son désespoir par monts et par vaux qu’on lui ait enlevé son jouet et jurant par ses menaces de blocages institutionnels qu’il se vengerait par un retour aux élections, prêt qu’il est à pratiquer la terre brulée pour arriver à ses fins : c'est-à-dire revenir aux commandes de sa petite nation au sein de la grande nation. Mais il n’y a pas le feu à la maison, l’UC a tout simplement utilisé l’article 121 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999.

Ces dispositions ont été déjà appliquées à trois reprises notamment en 2002, 2004 et 2007. Et à aucun moment, il n'y a eu de scandale politique, de putsch et encore moins d'instabilité institutionnelle. Le changement de gouvernement au cours d'une mandature est une éventualité dans le cadre "ordinaire" de l'application de l'Accord de Nouméa. Il répond naturellement aux exigences de consensus et de collégialité dictées par l'esprit de l’Accord. Ne pas comprendre cela, c'est ne pas être habité par l'esprit dudit Accord.

Au nom du groupe FLNKS je demande solennellement au président GOMES de faire preuve d’humilité et de cesser son chantage au blocage des institutions pour un retour anticipé aux élections provinciales. S’il trouve quelque chose à gagner ce n’est certainement pas de l’intérêt général de la population qui n’aspire qu’à une chose, à la paix et à l’harmonie entre tous. Persister dans cette voie c’est mettre le doigt dans un engrenage extrêmement dangereux, le ministre Bernard Pons en a fait l’expérience en 1987, en faisant exploser le statut Fabius Pisani, il a récolté les terribles fruits de la grotte d’Ouvéa.

Le groupe FLNKS, avec les partis le composant, est prêt à relever le défi s’il s’agit d’un défi lancé aux indépendantistes. Prêt à relever le défi, s’il le faut, je dis bien s’il le faut d’une contre manifestation le samedi 2 avril prochain. Si Calédonie Ensemble a pour objectif en appelant à manifester ce jour là de défier notre drapeau, symbole de la revendication identitaire et d’indépendance du Peuple Kanak, j’invite ses responsables à se rappeler la grande manifestation d’Algérie en 1962 qui a conduit plus d’un million de personnes dans les rues d’Alger. Cette démonstration de force face à la politique du général De Gaulle n’a pas stoppé net le processus d’indépendance, bien au contraire, elle a permis d’accélérer le mouvement avant de mettre sur le chemin de l’exode des millions de réfugiés. Donc attention aux balbutiements de l’histoire. Et comme le disait Jean Marie TJIBAOU en 1983, « ne sciez pas la branche sur laquelle vous êtes assis dessus »

Le groupe FLNKS est de même prêt à relever le défi d’une prise accrue de responsabilités au sein des exécutifs à venir tant au gouvernement qu’au Congrès. Notre groupe est aussi prêt à relever le défi des élections si le président Gomes persiste dans son petit jeu dangereux, mais il n’assumera pas d’autres responsabilités que la sienne en cas de dérapages ou de dérives malheureux au de là de ces élections.

Nous sommes porteurs d’un espoir d’émancipation pour notre peuple et notre pays dans la droite ligne du combat de nos anciens, cet espoir ne viendra pas se fracasser et s’arrêter net contre l’orgueil et la suffisance de qui que ce soit car nous sommes comptables d’une histoire qui n’est pas encore achevée, celle de la décolonisation et de l’émancipation de notre pays, persuadés que nous sommes que c’est à notre génération que reviens la charge et la responsabilité de fermer cette « parenthèse de l’histoire » évoquée par l’ancien secrétaire général de l’ONU, Mr Koffi Anan, celle de la colonisation du pays kanak. Aux générations montantes, nous nous devons de livrer un pays débarrassé des scories d’un système qui a tant fait souffert nos anciens, système dont les relents sont encore attisés par certains qui en ont fait leur fond de commerce politique. La fin du système colonial doit rester notre objectif à l’aube des discussions sur l’avenir institutionnel de la Nouvelle Calédonie. Ces discussions devront déboucher sur « La » solution, à temps, c'est-à-dire dans un temps raisonnable permettant que l’exercice au droit à l’autodétermination de nos populations, puisse se faire dans les meilleures conditions possibles. Il n’est que grand temps de nous y préparer.

Il est donc de la responsabilité du groupe FLNKS de dire dans cette enceinte que si nous ici pour la troisième fois, nous espérons qu’il n’y aura pas de quatrième fois. Dans tous les cas, le groupe fera tout ce qui est en son pouvoir pour que ce soit ainsi.

Monsieur le président, en votre qualité de président par intérim du Congrès de notre pays, et non en tant que militant de votre parti, Calédonie Ensemble, je vous demande solennellement d’agir pour que le gouvernement qui sera en place le vendredi 1er avril 2011, soit celui de la Nouvelle Calédonie dans une stabilité retrouvée jusqu’aux élections prévues par l’accord de Nouméa, celles de mai 2014.

Je vous remercie.