mercredi 22 juin 2011

110622 MAYOTTE: les bienfaits de la départementalisation...


Lu pour vous dans le Monde Diplomatique de Juin 2011.


A MAYOTTE, départementalisation à la pelleteuse (un article de Rémi CARAYOL)



Le chapô en dit long sur la teneur de l’article, Naku press vous le retranscrit : « Département d’Outre mer depuis le 31/03/2011, Mayotte accélère la mise en conformité de ses pratiques administratives avec celles de la métropole. Cependant, dans le domaine foncier, cette départementalisation heurte des droits coutumiers, et de nombreux habitants sont menacés d’expulsion."


La synthèse de l’article par Naku press.


«Nous, les gens d’ici, on nous chasse de nos terres. Et les étrangers arrivés depuis peu personne ne vient les embêter. Est-ce normal»: ce sont les propos de la présidente de l’Association OUDAILLA HAQUI za M’MAHORE (Défendre l’intérêt légitime des Mahorais).


En effet, la départementalisation s’est accompagnée d’une mise en conformité progressive du droit local avec les normes métropolitaines. Ainsi, les autorisations d’occupation temporaires obtenues depuis 1998 n’ont pas été renouvelées pour la simple raison que ce terrain se situe dans la zone géométrique, zone non constructible dans les départements d’outre mer. Le problème est que ces nouvelles dispositions juridiques viennent à l’encontre d’un droit historique dont se réclame les populations vivant depuis la nuit des temps, sur le littoral.


Pire, la préfecture s’est permise de donner le nom de Tahiti Plage à un des sites, dont le nom mahorais est : Mtsagnugni. Guerre de sémantique mais dans le cas présent, rien finalement ne relève du hasard. Occulter le nom historique d’un endroit, c’est tout simplement vouloir nier une partie de l’histoire.


Et, pendant ce temps là, certains privilégiés arrivés depuis peu, ne sont pas du tout inquiétés. A l’exemple d’une personne venue d’Afrique du Sud, qui a construit une belle villa sur ces fameuses zones non constructibles. Après s’être enrichie dans la grande distribution, l’automobile et l’immobilier, elle est devenue présidente du Conseil Economique et Social, et possède une bonne partie de la zone industrielle de l’Ile.


Ces zones non constructibles concernent 90% des villages et peut être 40% de la population. Et selon le traité de cession de Mayotte à la France (1841) la zone devait épargner les propriétés traditionnelles. C’est, finalement, la pression des investisseurs et l’évolution législative liée à la départementalisation (un processus qualifié par les mahorais de « Marche vers le droit commun) qui ont balayé le droit coutumier. En fait, il n’y a plus d’exception, c’est la même loi qu’en France. Depuis des années, l’Etat n’a jamais exigé des populations locales de se doter d’un titre de propriété, on tolérait la situation et tout d’un coup 150 ans après, on vient leur demander ce titre, sinon on les fait décamper. La seule solution proposée par l’Etat aux mahorais : la vente de ces parcelles à moitié prix, tenant compte des revenus des propriétaires. Un bon système mais qui, finalement, perd de sa valeur soit disant sociale, quand un rapport interministériel, réalisé en janvier 2011 mentionne le prix de la parcelle à 5 fois le revenu moyen annuel d’un ménage mahorais.


La revendication des populations locales reste entière; elle est exprimée en ces termes : «on ne va pas faire payer à quelqu’un quelque chose qui lui appartient déjà». Les menaces consécutives à l’évolution statutaire et au développement économiques sont multiples: notamment la spéculation et le tourisme de masse. Au prix où le mètre carré de terres est actuellement à savoir 10 fois plus qu’il y a plus de vingt ans en arrière, les mahorais ne pourront pas suivre. Et Rémi CARAYOL termine son article par la reprise des propos d’un habitant : «on connaît la fin de l’histoire, les Mahorais seront bientôt des étrangers chez eux. Ca a déjà commencé




Le petit commentaire de Naku press : partout où elle est présente, on la reconnaîtra toujours, avec cette volonté sans retenue, d’ignorer l’existant pour mieux s’imposer. La colonisation finalement n’a qu’un seul visage, mais elle peut être «maquillée» de plusieurs manières.


Mise en ligne par Naku press le 22/06/2011 à 22h30