lundi 22 août 2011

Pour la réinscription du pays Maohi sur la liste à décoloniser de l'ONU

Madoÿ est amplement satisfait de publier ici le rapport effectué par Victor MAAMAATUAIAHUTAOU, élu nationaliste, à l'assemblée de la Polynésie sur le Président, sur la proposition de résolution appelant à la réinscription du pays Maohi sur la liste des pays à décoloniser à l'ONU. (http://larje.univ-nc.nc/index.php?option=com_content&view=article&id=247:la-polynesie-demande-sa-reinscription-sur-la-liste-des-pays-a-decoloniser&catid=14&Itemid=48)

"Mesdames, Messieurs les représentants,

La Charte des Nations Unies (26 juin 1945) est dotée de l'article 73 qui concerne les territoires non autonomes. Cet article considère que, pour les populations qui ne s'administrent pas encore complètement ellesmêmes, les puissances de tutelle doivent mettre en avant le principe de « la primauté des intérêts de ces
territoires». Ces puissances ont une « mission sacrée»: celle d'assurer la prospérité des populations dont elles ont la charge.

Cela devrait être réalisé grâce à l'instruction qui respecterait les cultures, grâce à une volonté de préparer ces populations à avoir leurs propres institutions (en fonction des conditions locales et des degrés de développement) et enfin grâce à des «mesures constructives de développement».

C'est le 9 février 1946 que la première Assemblée Générale de l'Organisation des Nations Unies(O.N.U) se préoccupe des «populations» qui ne s'administrent pas encore elles-mêmes. Les «puissances administratives », selon la terminologie de l'O.N.U, s'engagent dans cette voie et reconnaissent les nécessités nouvelles d'une véritable décolonisation. Elles promettent de communiquer régulièrement des renseignements
sur les réalisations accomplies en vue de se conformer à l'article 73. Les renseignements devront parvenir chaque année avant le 30 juin.

Un Comité est chargé de gérer ce problème, composé de huit membres parmi les États ayant des renseignements à fournir (la France en fait partie) et de huit pays élus par l'Assemblée Générale.
Effectivement, en 1946, l'Australie, la Belgique, le Danemark, les États-Unis, les Pays-Bas, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et la France établissent une liste de 72 territoires à l'égard desquels ils déclarent reconnaître les obligations de l'article 73.

La Nouvelle-Calédonie, les E.F.O. et le condominium des Nouvelles-Hébrides faisaient partie de cette liste.
C'est par une lettre du 17 octobre 1946 que le Gouvernement français (Gouvernement de Georges Bidault) a communiqué les renseignements demandés sur les colonies, juste avant que ne soit publiée la Constitution de la ivème République (27 octobre 1946) qui fait disparaître le mot «colonies» au profit de Territoires d'Outre-mer ou de Départements d'Outre-mer.

En même temps, la France a rappelé qu'il lui appartient, à elle seule, de décider s'il y a sous sa tutelle des Territoires qui ne s'administrent pas eux-mêmes. Elle fit du reste un «grand usage» de l'article 2-7 de la Charte qui interdit à l'O.N.U. «toute intervention dans les affaires qui relèvent essentiellement de la
compétence nationale des Etats».
La limite est donc vite apparue: c'étaient les puissances administrantes qui décidaient quelle population et quel territoire devaient être considérés comme relevant ou non de l'article 73 et ce sont elles qui étaient aptes à juger de leur évolution en rendant des comptes que personne ne sera en mesure de vérifier.
Le 3 novembre 1947, l'Assemblée Générale des Nations Unies a recommandé diverses dispositions pour la transmission de renseignements. Elle prend acte « du fait que certains Membres qui assument l'administration de Territoires non autonomes ont transmis de leur propre mouvement des renseignements relatifs au progrès de la participation des autochtones au fonctionnement des organes locaux de gouvernement
dans ces territoires ».
En termes diplomatiques, cela signifiait que tous ne l'ont pas fait.
En 1947, en effet, la France n'a produit aucun document relatif aux deux Territoires du Pacifique (E.F.O et Nouvelle-Calédonie). Estimait-elle que le temps des colonies était passé pour ces Territoires ? Notons que l'année 1947 marque le début de la Guerre froide et de la peur de l'extension du communisme, notamment par le biais des populations des ex-colonies.
En 1948, l'Assemblée Générale s'émeut du fait que les grandes puissances ne communiquent plus les renseignements sur l'évolution de plusieurs Territoires.
Elle adopte la résolution 222 (III) du 3 novembre 1948 qui demande aux puissances de s'expliquer sur l'interruption de la communication des renseignements. Le 21 janvier 1949, le Secrétaire général Trygve Lie adresse un courrier en ce sens au gouvernement français, lequel fait répondre par lettre du 29 avril 1949
(Ministère des Affaires Étrangères, secrétariat des conférences, n° 31/SC et signée Alexandre Parodi, secrétaire général du Quai d'Orsay) que la Constitution de 1946 entend favoriser l'émancipation des TOM soit dans l'unité de la République (les DOM), soit dans l'autonomie au sein de l'Union française (TOM et Territoires
associés).

Les Gouvernements français estimèrent, à partir de 1947, ne plus devoir communiquer des renseignements, ni pour les DOM pour lesquels il n'y aurait plus de différenciation politique par rapport à la métropole, ni sur trois TOM : Nouvelle-Calédonie, E.F.O. et Saint-Pierre et Miquelon.
La France considérait que ces trois TOM ont été dotés d'un régime qui se rapproche beaucoup des DOM, voire des départements de métropole.
Le ministère des Affaires Étrangères envoya à l'O.N.U., copie des textes législatifs relatifs aux statuts des trois TOM pour justifier sa position. Une lecture attentive de ces statuts montrerait pourtant que l'émancipation était restée limitée.
En mars 1950, une note interne du Ministère des Affaires Étrangères revient sur la question. Elle rappelait la position de principe qui voulait que la définition d'un Territoire non-autonome relevait de l'appréciation exclusive de la France et que la Constitution française prévoyait une évolution des Territoires relevant de cette définition.

La décision de retirer la Nouvelle-Calédonie et les E.F.O. de la liste onusienne pour lesquels la France devait fournir des renseignements y était dès lors mieux expliquée : «l'assimilation à la Métropole avait été complètement ou presque complètement réalisée, bien que ces Territoires n'eussent pas été transformés en
département français».
On peut donc supposer que la France a estimé que les statuts de la Nouvelle-Calédonie et des E.F.O. accordaient une place suffisante aux autochtones, ce qui fût loin d'être le cas au regard de l'Histoire.

Dans le détail, trois arguments ont été avancés pour justifier la décision de retrait des E.F.O. de la liste des pays à décoloniser de l'O.N.U. :
- tous les ressortissants sont citoyens français (ordonnance du 24 mars 1945) ;
~ les habitants sont représentés à l'Assemblée nationale (un député), au Conseil de la République (un sénateur) et à l'Assemblée de l'Union française ;
- une assemblée a été créée par décret du 25 octobre 1946 (assemblée représentative).

Toutefois, les pouvoirs de cette assemblée sont limités par le statut et les prérogatives de l'Administration dirigée par un gouverneur.
La note du Ministère des Affaires étrangères précise également que la France s'était opposée à la résolution 334 (IV) du 2 décembre 1949 qui créait un Comité spécial chargé d'examiner les facteurs dont il faudrait tenir compte pour décider qu'un Territoire est ou non un Territoire que les populations administrent complètement.
Autrement dit, l'Outre-mer français représentait un «espace réservé» dont les autres pays - et encore moins l'O.N.U. - n'avaient pas à se mêler.
Cette position, toujours d'actualité, fut pourtant à l'origine de bien des déboires de la France sur le plan international, notamment lorsqu'elle décida d'implanter en Polynésie française - ex-E.F.O - le controversé «Centre d'Expérimentations du Pacifique» (C.E.P), plaque tournante du programme français de dissuasion
nucléaire initié par le Général De GAULLE au début des années 1960.

À la suite d'événements insurrectionnels majeurs survenus en 1984 en Nouvelle-Calédonie, conduisant cette collectivité française d'Outre-mer au bord de la guerre civile, il fut décidé en 1986 de réinscrire celle-ci sur la Liste des Pays à décoloniser de l'O.N.U. sous l'impulsion du Front de Libération Nationale Kanak
Socialiste (FLNKS), mouvement politique indépendantiste mené par feu Jean-Marie TJIBAOU. C'est d'ailleurs à la suite de ces événements que les Accords de Matignon furent signés à Paris en 1988, cadre consensuel reconnaissant la légitimité du combat indépendantiste et instaurant un régime institutionnel fondé sur le
consensus politique ainsi qu'un mode sociétal pacifié. En 1998, l'Accord de Nouméa était signé afin de convenir de transferts de compétences de l'État vers les institutions de la Nouvelle-Calédonie ainsi que de dates d'échéance en termes d'organisation d'un référendum local.

Or, la Polynésie française n'a pas emprunté le même chemin.
Doté d'un statut d'autonomie interne en 1984, la Polynésie française allait voir sa destinée quelque peu scindée de celle de la Nouvelle-Calédonie et subir, sur au moins une quarantaine d'années, un profond et durable bouleversement de son mode de société qui fut très largement propulsé par la gigantesque manne financière provenant de la métropole durant la période des essais nucléaires (1966-1996).
D'une société insulaire de type traditionnel, la Polynésie française allait connaître un boom financier, immobilier et démographique sans précédent dans son Histoire, pour se transformer en véritable société de consommation de type occidental, déracinée de sa propre culture, où l'essentiel de son économie s'est trouvée basée sur les flux financiers massifs en provenance de la France, avant de devenu' une proie directe des effets négatifs de la mondialisation.
Les relations institutionnelles et politiques entre la Polynésie française et la France ont été marquées par une profonde collusion, en particulier à partir de 1995 où Jacques CHIRAC était élu à l'Elysée.
Loin de réparer les effets dévastateurs et d'éponger les « heures sombres » (Conf. Accords de Nouméa de 1998 en Nouvelle Calédonie) de la période coloniale française en Océanie, et plus particulièrement en Polynésie française, la relation politique fusionnelle entre la France et l'exécutif polynésien (vers lequel tous les pouvoirs seront concentrés) de 1995 à 2007 n'allait en définitive servir que de puissant anesthésiant à l'égard des Polynésiens qui allaient voir tout leur système de valeurs traditionnelles sacrifié sur l'autel de 1 '« autonomie au sein de la République » et céder leur place à de nouveaux comportements sociaux exogènes.
La Constitution de la République française était même modifiée afin de voir créer un nouvel article 74 qui ouvre la voie à l'autonomie institutionnelle en faveur des « collectivités territoriales d'Outre-mer », qui se verraient « dotés d'une organisation particulière propre conforme à leurs intérêts » au sein de la République.

Retirée de la Liste des pays à décoloniser de l'O.N.U. en 1947, en même temps que la Nouvelle Calédonie, la Polynésie française n'a toujours pas été réinscrite sur celle-ci comme elle en aurait intérêt, alors même que les nombreux faits coloniaux que l'Histoire polynésienne aura conservés sont de nature à justifier une telle mesure :
- le contexte de l'annexion du Royaume de Tahiti et ses dépendances et l'illégitimité du traité de 1880 ;
- le contexte de l'annexion des Iles sous le Vent et l'exil des résistants ;
- l'introduction du Code civil et la suppression des tribunaux indigènes ;
- la décision arbitraire de retrait des Établissements Français d'Océanie (E.F.O.), devenue Polynésie française, de la Liste des pays à décoloniser de l'O.N.U. en 1947 ;
- l'illégitimité (en Polynésie française) du référendum du 28 septembre 1958 sur la Constitution de la Vème République et l'éviction préméditée du député «Pouvanaa a OOPA» ;
- l'implantation arbitraire du Centre d'Expérimentations du Pacifique (CEP) à Moruroa et Fangataufa à partir de 1963 et le secret-défense des archives médicales des vétérans ;
- l'instauration d'un régime communal discriminatoire à partir de 1971 et la non-application des lois de 1982 sur la décentralisation ;
- la décision arbitraire de reprise des essais nucléaires français en Polynésie française en 1995 et le procès des émeutes ;
- l'échec de la reconversion après-nucléaire de la Polynésie française ;
- le remplacement de la notion de « peuples d'Outre-mer » par celle de « populations » au terme de la réforme constitutionnelle de 2003, face à la ratification de la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples
Autochtones en 2007 ;
- l'étouffement organisé du « TAUI » de 2004 et la réforme électorale imposée par l'État en 2007 (« loi Estrosi »).


Au regard de ces éléments, le rapporteur propose à ses collègues de l'assemblée de la Polynésie française, au nom de la commission des institutions et des relations internationales, d'adopter la proposition de résolution ci-jointe qui appelle à la réinscription de la Polynésie française sur la liste des territoires non autonomes à décoloniser, de l'Organisation des Nations Unies.

LE RAPPORTEUR
Victor MAAMAATUAIAHUTAPU