mardi 11 octobre 2011

Gilbert Tyuienon, vice président du gouvernement du pays à l'ONU

Discours de M. Gilbert TYUIENON, Vice-président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie - 4ème Commission de l’Assemblée générale des Nations Unies
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Le 4 octobre 2011


Madame la Présidente,
Monsieur le Président du Comité spécial des 24,
Mesdames et Messieurs les délégués,
Mesdames, Messieurs,

Nous avons l’honneur de vous exposer aujourd’hui la situation de la Nouvelle-Calédonie, au nom de son gouvernement, et dans une formation représentant la double légitimité du pays, indépendantiste et non indépendantiste.
C’est en ma qualité de Vice-Président que je m’exprime aujourd’hui devant vous, au nom du gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie. Le Président du gouvernement, M. Harold Martin, n’a pu effectuer lui-même ce déplacement et vous prie de bien vouloir l’excuser. Je suis accompagné par Jean-Claude Briault, membre du gouvernement en charge de la Jeunesse et des Sports.

Dans la droite ligne du discours prononcé devant votre assemblée par le Président du gouvernement le 5 octobre 2010, et sans revenir sur l’ensemble des informations qu’il présentait et qui demeurent pertinentes, je vais m’attacher à mettre en relief les éléments intervenus au cours des douze derniers mois. Ils confirment le cheminement de la Nouvelle-Calédonie sur la voie de son émancipation, ainsi que le prévoit l’Accord de Nouméa.

Au plan institutionnel, et conformément à l’Accord de Nouméa, les transferts de compétence s’effectuent rigoureusement selon le calendrier prévu.
L’enseignement sera transféré au 1er janvier 2012. Nous avons adopté une Loi du Pays transférant la « police et la sécurité de la circulation aérienne intérieure » au 1er janvier 2013. Avant le 31 décembre de cette année, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie sera appelé à se prononcer sur la date de transfert du « droit civil, du droit commercial et des règles concernant l’état civil » d’une part, et de la « sécurité civile » d’autre part.

Sur les signes identitaires, conformément à la décision du Comité des Signataires de l’Accord de Nouméa, réuni à Paris le 24 juin 2010 sous la présidence du Premier Ministre de la France François Fillon, le drapeau identitaire kanak flotte désormais aux côtés du drapeau de la République sur les édifices publics de la Nouvelle-Calédonie.

Au cours des 14e Jeux du Pacifique qui ont vu la participation de 2.500 athlètes des pays et territoires insulaires du Pacifique et qui se sont déroulés à Nouméa du 27 août 2011 au 10 septembre 2011, les deux drapeaux ont été levés. Au nom de la Nouvelle-Calédonie, l’hymne identitaire a été exécuté aux côtés de l’hymne national.
Toujours en conformité avec les décisions du Comité des Signataires, trois groupes de travail enrichis d’experts ont été mis en place : le premier pour réaliser le bilan de l’Accord de Nouméa treize ans après sa mise en œuvre, le second pour explorer toutes les voies pertinentes pour un avenir institutionnel équilibré de la Nouvelle-Calédonie, et le troisième pour mettre sur pied une véritable stratégie du développement minier et métallurgique du nickel dans notre pays. Ces importants chantiers visent à mieux éclairer les décideurs du pays et les populations intéressées qui se prononceront lors du scrutin d’autodétermination entre 2014 et 2018.

Enfin, je me dois de signaler à votre haute attention qu’en accord entre les partenaires indépendantistes et non-indépendantistes, Monsieur Roch Wamytan, ancien président du FLNKS, a été élu à la Présidence du Congrès de Nouvelle-Calédonie, et c’est la première fois, depuis 34 ans, qu’un indépendantiste est élu à cette fonction.

La Nouvelle-Calédonie s’écartant de la logique majorité-minorité, a décidé de dépasser les oppositions idéologiques en instaurant une nouvelle méthode de gouvernance reposant sur un partage du pouvoir dans les institutions du pays.
Vingt-trois ans après la signature des Accords de Matignon-Oudinot qui sortirent la Nouvelle-Calédonie de la guerre civile, le partage du pouvoir a donc progressé dans nos institutions. Pourtant, cette avancée n’est pas une fin en soi car il nous faut préparer le pays à assumer son émancipation et lui donner des fondations solides dont le rééquilibrage économique et social et la citoyenneté seront les principaux piliers.

Cette volonté s’est affirmée lors des deux derniers comités des signataires.

Au plan économique, la Nouvelle-Calédonie se situe dans une tendance favorable avec un taux de croissance annuel du PIB de 2,5% et un chômage faible.
Nous poursuivons massivement la formation des jeunes calédoniens et la formation professionnelle continue. Au total, la Nouvelle-Calédonie, pour une population de 250.000 habitants, consacre 500 millions de dollars US à l’enseignement qui est gratuit, et 50 millions de dollars US à la formation professionnelle.
Nos dispositions législatives en faveur de la promotion et de la protection de l’emploi local, qui font l’objet de discussions d’application entre les partenaires sociaux et qui ont d’ores et déjà été votées, devraient entrer en application dès l’an prochain.

Les investissements industriels et métallurgiques, représentant un total de 10 milliards de dollars, se poursuivent dans le sud et dans le nord de la Grande Terre. L’usine Vale Nouvelle-Calédonie, dans le sud, met en œuvre ses ajustements techniques et devrait débuter sa véritable production dans l’année qui vient. L’usine SMSP/Xstrata, dans le nord, respecte son programme de construction et deviendra opérationnelle en 2013.

L’usine de Gwangyang, en Corée du Sud, dont la majorité est détenue par la Province nord, étudie le doublement de sa capacité de production.
Au total, et en intégrant la production de l’usine SLN/Eramet de Nouméa, à l’aune de l’année 2014, la Nouvelle-Calédonie devrait figurer parmi les tous premiers producteurs mondiaux de nickel.

Réduire les inégalités sociales entre tous les points de l’archipel, éviter une fracture identitaire, ce sont des thèmes qui sont au cœur de notre action et de la volonté politique de rééquilibrage du pays.

Dans cette perspective, le gouvernement prépare un schéma global de transport et de mobilité dont l’objectif est le désenclavement de toutes nos îles, en particulier les Iles Loyauté, et au nord de l’archipel, les Iles Belep et du Nord.
Enfin, nous poursuivons l’élaboration du schéma d’aménagement et de développement «Nouvelle-Calédonie 2025» afin de mettre totalement en cohérence les équipements futurs, le développement économique, social et culturel et l’épanouissement citoyen de nos populations.

Au plan social, ce développement s’accompagne d’une réflexion actuelle sur l’amélioration de la redistribution de la richesse interne. L’augmentation du coût de la vie, liée à une inflation importée et au fort développement économique, a conduit le Congrès de la Nouvelle-Calédonie à mettre en place une plate forme chargée d’élaborer des accords économiques et sociaux. Ainsi, nous veillerons à ce que la richesse produite par notre niveau de développement économique, soit répartie avec justice et équité au profit de nos populations.
Dans cet esprit, nous allons mettre en place, dès le début de l’année prochain,
- un minimum de revenus pour toutes les personnes âgées de 1000 dollars environ,
- un minimum retraite pour tous les travailleurs d’un montant légèrement supérieur.
Ces innovations sociales s’accompagnent d’un dispositif de solidarité à l’égard des handicapés et des personnes à mobilité réduite.

Parallèlement, faisant le constat que notre fiscalité est obsolète, complexe et inéquitable, le gouvernement néo-calédonien a lancé le chantier d’une réforme fiscale d’envergure touchant à la fois la fiscalité indirecte, la fiscalité directe et la fiscalité du secteur minier.

En matière d’insertion régionale, au-delà de la grande réussite des Jeux du Pacifique, ouverts à Nouméa le 27 août dernier par le Président de la République, Nicolas Sarkozy, la Nouvelle-Calédonie s’apprête à construire, avec l’aide de la France, un réseau de représentants extérieurs dans le Pacifique. Je dois moi-même avoir des séances de travail à Paris cette semaine pour faire progresser les conclusions de cet important dossier. Ce réseau de représentants apportera à la Nouvelle-Calédonie les moyens nécessaires au développement de sa coopération avec notamment l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Vanuatu, Fidji, Tonga, Cook, et la Papouasie-Nouvelle-Guinée.

En termes de coopération multilatérale, la Nouvelle-Calédonie a réitéré à Auckland le 7 septembre dernier sa demande d’accéder au statut de membre à part entière du Forum des Iles du Pacifique.
Elle Adoptera par ailleurs, sa « stratégie conjointe de pays » avec la Communauté du Pacifique, la CPS, première organisation régionale du Pacifique.
Enfin, la Nouvelle-Calédonie accueillera cinq sommets multilatéraux de haut niveau au cours des 12 prochains mois dont notamment la réunion biennale des Ministres de la CPS en novembre prochain, la réunion des ministres du Programme régional océanien (le PROE) en septembre 2012.
Quant à ses relations avec l’Europe, et après avoir assumé en 2010 la présidence du groupe des Pays et Territoires d’Outre Mer (PTOM) de l’Union Européenne, la Nouvelle-Calédonie suit avec vigilance le dossier de la rénovation du partenariat entre les PTOM et l’Europe.

Vous comprendrez, Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée Générale, que la Nouvelle-Calédonie poursuit sereinement son chemin sur la voie de l’émancipation, tracé par l’Accord de Matignon-Oudinot et consolidé par l’Accord de Nouméa. Elle prépare, tout aussi sereinement, le choix que ses populations seront appelées à formuler entre 2014 et 2018 sur son avenir institutionnel.

Je vous remercie

M. Gilbert TYUIENON, Vice-président du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie